[deutsche Nachdichtung: weiter unten]

(Rires)

Vomir est un droit

Tout comme refuser de manger 

Je ne le dirai pas deux fois de suite [tb]

J’en ai marre d’être le bouc émissaire, le maudit, le damné, l’idiot de la République, le chômeur, l’immigré, le pauvre, le dindon de la farce, l’apatride, le demandeur d’asile, le nègre 

Assez d’une vie de chien! 

 

Pour me débarrasser de ma désespérance  

Laissez-moi vomir

Vomir mon sang

Vomir mon cœur  

Vomir mes tripes  

Vomir ma bave 

Vomir mon sperme

Vomir tout mon ventre

Et les relents d’une civilisation

De cette civilisation syphilitique 

Vomir ma faim

Vomir ma nausée

Vomir ma colère

Vomir la guigne que je traîne    

Depuis les entrailles de ma mère

Pour les siècles des siècles 

AMEN 

 

Oui, vomir mon destin de tzigane [tb]

Vomir mon visage 

Vomir mon sexe 

Vomir mon nom 

Vomir ma famille

Vomir ma généalogie 

Vomir mes dieux  

Vomir mon pays

Vomir ma race, la race de maudit, de damné, de prisonnier, de mendiant, d’esclave, de chimpanzé, de saligaud, de sans-papier et de névrosé! 

 

Déjà, la morve suinte de ma bouche 

Et mes dents bloquent 

Se disloquent 

Dansent le tango 

A force de mâcher ma propre viande 

Qu’est-ce que c’est ce cirque?

 

N’avez-vous jamais vu un nègre, un saligaud, un débile, un malchanceux, un cannibale, un mort-vivant, un cadavre? 

Mon corps, ce corps saigné à blanc

Mon corps, ce corps putrescible

Mon corps, ce corps déglingué

Mon corps, ce corps in vitro

Mon corps, ce  corps achalandé

Mon corps, ce corps domestiqué

Mon corps, ce corps déchet

Mon corps, ce corps privatisé

Mon corps, ce corps proto-bantou

Mon corps, ce corps enchaîné

Mon corps, ce corps hécatombe

Mon corps, ce corps poubelle

Mon corps, ce corps vide

Mon corps, ce corps transplanté 

Mon corps, ce corps colonisé 

Mon corps, ce corps sous-développé 

Mon corps, ce corps chosifié 

Mon corps, ce corps cadenassé  

Mon corps, ce corps matriculé 

Mon corps, ce corps castré

Mon corps, ce corps déterritorialisé 

Mon corps, ce corps ferré

Mon corps, ce corps cadastré 

Mon corps, ce corps-corps veut se libérer de son corps de damné!     

 

(Rires)  

 

Question: pourquoi m’engoncer dans votre civilisation puis m’en chasser à coup de matraque?

Si vous ne pouvez pas répondre à mes cauchemars, alors laissez-moi vomir

Vomir, vomir, vomir, vomir, vomir, vomir 

Jusqu’à l’épuisement [tb]

Jusqu’à perdre connaissance 

Jusqu’à crever de vomissement!  

© Fiston Mwanza


Monolog eines Verdammten

 

(Lachen)

Kotzen ist ein Grundrecht

Genauso wie Essen verweigern

Ich werde das jetzt nur einmal sagen

Ich habe es satt, der Sündenbock zu sein, der Verfemte, der Verdammte, der Idiot der Republik, der Arbeitslose, der Immigrant, der Arme, der Prügelknabe, der Staatenlose, der Asylbewerber, der Neger

Schluss mit diesem Hundeleben!

 

Weil meine Verzweiflung raus muss

Lasst mich kotzen

Mein Blut kotzen

Mein Herz kotzen

Meinen Darm kotzen

Meine Spucke kotzen

Mein Sperma kotzen

Meinen ganzen Magen kotzen

Und den Mief einer Gesellschaft

Dieser syphilitischen Gesellschaft

Meinen Hunger kotzen

Meinen Brechreiz kotzen

Meine Wut kotzen

 

Mein Pech kotzen, das an mir klebt

Seit meiner Mutter Leib

Von Ewigkeit zu Ewigkeit

AMEN

 

Ja, auch mein Vagabundenschicksal kotzen

Mein Gesicht kotzen

Mein Geschlecht kotzen

Meinen Namen kotzen

Meine Familie kotzen

Meine Herkunft kotzen

Meine Götter kotzen

Mein Land kotzen

Meine Rasse kotzen, die Rasse der Verfemten, der Verdammten, der Sträflinge, der Bettler, der Sklaven, der Schimpansen, der Dreckskerle, der Illegalen und der Nervenkranken!

 

Schon steht mir der Schaum vorm Maul

Und meine Kiefer verrenken sich

Verkrampfen

Tanzen Tango

Beim Zerreißen des eigenen Fleisches

Warum so aufgeregt?

Habt ihr noch nie einen Neger gesehen, einen Dreckskerl, einen Schwachsinnigen, einen Pechvogel, einen Kannibalen, einen Untoten, eine Leiche?

Mein Körper, ein ausgebluteter Körper

Mein Körper, ein verrottender Körper

Mein Körper, ein Schrottkörper

Mein Körper, ein In-Vitro-Körper

Mein Körper, ein gut sortierter Körper

Mein Körper, ein domestizierter Körper

Mein Körper, ein Abfallkörper

Mein Körper, ein privatisierter Körper

Mein Körper, ein Proto-Bantu-Körper

Mein Körper, ein Körper in Ketten

Mein Körper, ein Massaker-Körper

Mein Körper, ein Mülltonnen-Körper

Mein Körper, ein Hohlkörper

Mein Körper, ein transplantierter Körper

Mein Körper, ein kolonisierter Körper

Mein Körper, ein Entwicklungskörper

Mein Körper, ein Objektkörper

Mein Körper, ein inhaftierter Körper

Mein Körper, ein Katasterkörper

Mein Körper, ein kastrierter Körper

Mein Körper, ein entheimateter Körper

Mein Körper, ein geangelter Körper

Mein Körper, ein erfasster Körper 

Mein Körper, dieser Körperkörper will sich aus seinem Verdammtenkörper befreien!

 

(Lachen)

 

Frage: Warum mich in eure Gesellschaft zwängen, um mich dann mit Knüppeln wieder zu vertreiben?

Ihr habt keine Antwort auf meine Albträume, also lasst mich kotzen

Kotzen, kotzen, kotzen, kotzen, kotzen, kotzen

 

Bis zur Erschöpfung

Bis zur Ohnmacht

Bis zum Verrecken!


© Deutsche Übersetzung: C. Kröning

41 Kommentare

  • Kommentarstation

    Schön beschrieben das “Aufgeregt-Sein”; aber Tango tanzen?
    Tango tanzen ist doch so exakt, so festgelegt von den Bewegungen, aber gar nicht zufällig und unbewusst.

  • Kommentarstation

    Schöne Gemütsbeschreibung, sehr bildlich, gefällt mir, nur den kanibalischen Aspekt hätte ich mir gespart.

  • Kommentarstation

    Schon schäumt der Schnee vorm Maul
    Und meine Lärchen verrenken sich
    Zerstampfen
    Mampfen Mango
    Beim Zerreißen des eigenen Antlitz
    Warum so erfreut?

  • hivanu

    une possible continuation du poème:

    Jusqu’à oublier la réalité
    Jusqu’à perdre pied
    Perdre tout l’espoir
    Perdre l’environnement
    Perdre la bonne foi
    Perdre la réligion
    Perdre les prières
    Perdre l’âme
    Perdre le cœur
    Perdre les yeux
    Perdre le visage
    Perdre la tête
    Perdre l’identité
    Perdre moi-même

    en coopération avec Nils Hofrichter

  • hivanu

    Eine mögliche Fortsetzung:

    Bis zum Vergessen der Realität
    Bis zum Boden unter den Füßen Verlieren
    Die Hoffnung verlieren
    Die Umgebung verlieren
    Den guten Glauben verlieren
    Die Religion verlieren
    Die Gebete verlieren
    Die Seele verlieren
    Das Herz verlieren
    Die Augen verlieren
    Das Gesicht verlieren
    Den Kopf verlieren
    Die Identität verlieren
    Sich selbst verlieren
    (Eine Zusammenarbeit mit Nils Hofrichter)

  • Thomas

    J’ai bien aimé votre fin du poème. Je me demande c’est qui le damné? C’est l’auteur? En classe nous avons lu des textes sur la colonialisation, le damné pour moi c’est celui qui a été colonialisé ou le réfugié qui – comme vous le dites – a tout perdu. Même l’espoir – comme vous l’avez ajouté.. l’auteur me choque avec son texte et sa répitition de “vomir,vomir,vomir…”

    • Fiston Mwanza Mujila

      Le titre « Monologue d’un damné » m’a été inspiré par l’ouvrage d’un psychiatre du nom de Frantz Fanon « Les damnés de la terre ». Dans ce texte, je parle de damnés contemporains : les refugiés, etc. C’est un texte qui est écrit pour être lu à haute voix, pour être aboyé… L’écriture de ce texte (les répétitions) puise dans le jazz.

  • Lydia

    Je me demande si il décrit son propre sentiments ou si il décrit les sentiments d’autre personne.
    Il est le damné?

    • Fiston Mwanza Mujila

      La littérature est la réécriture du monde. Elle permet à l’écrivain de décrire sa souffrance et la souffrance du monde. A travers Monologue d’un damné, j’ai voulu parler des damnés, de toutes les personnes qui mènent une existence difficile: les mendiants, les demandeurs d’asile, etc.

  • Lika_L_

    Que je ne comprends toujours pas:
    Pourquoi est-ce qu’il laisse tous vormir et pourquoi est-ce que cette monologue si négatif?

    • Fiston Mwanza Mujila

      Le damné vomit ses problèmes, sa malédiction afin de naître de nouveau, pour devenir un homme comme tous les autres. Le monologue est négatif parce que c’est un cri de désespoir, le cri d’un homme qui souffre…

  • Izzy

    Justement je lis que” littératur est une commentaire au monde”. Est-ce que cest son commentaire au monde?
    Est-ce qu’il écrit de lui-même et si oui est-ce qu’il est vraiment damné où c’est la chose que les autres pense?

    • Fiston Mwanza Mujila

      La littérature permet de décrire le monde. L’écrivain peut, à travers un texte, analyser les problèmes de sa société. Dans ce texte, je donne la parole à un damné, un demandeur d’asile, ou toute personne qui en proie à toutes les misères du monde. L’auteur n’est pas un damné, il parle à la place d’un damné.

  • NilsHofrichter

    “Vomir visage”. C’est une ideé intéressante, mais malheuresement je ne sais pas exactement comment ça doit fonctionner.
    Peut-être que Mwanza veut exprimer qu’il y a des personnes qui le laissent perdre toute son identité à cause du fait qu’ils ne le respectent pas.

    • Fiston Mwanza Mujila

      Vomir mon visage est une figure littéraire. Le narrateur veut vomir son visage pour avoir un autre visage. Le visage peut signifier la malédiction, la pauvreté, la guerre,…
      Vomir mon visage/vomir ma malédiction
      Vomir la malédiction qui correspond à mon corps, à mon visage…

  • NilsHofrichter

    En plus je ne comprends pas pourquoi il croit que la civilization est syphilitique?

    • Fiston Mwanza Mujila

      La civilisation est syphilitique parce qu’elle est comme une maladie. Elle ne résout pas nécessairement les problèmes de l’homme. C’est au nom de la civilisation que les guerres se commettent, que les droits de l’homme sont bafoués,…

  • NilsHofrichter

    “Si vous ne pouvez pas répondre à mes cauchemars, alors laissez-moi vomir”
    Quels sont lest cauchemars du narrateur?

    • Fiston Mwanza Mujila

      Les cauchemars du narrateur sont ses problèmes, sa malédiction… Ses cauchemars c’est aussi le fait d’être un damné. Le narrateur dit, en d’autres termes, « si vous ne pouvez m’aider à sortir de mes difficultés alors laissez-moi vomir… »

  • NilsHofrichter

    Oui Izzy c’est vraiment ce que j’ai aussi pensé quand j’ai lu le poème.
    Est-ce qu’il essaie de réfléter les pensés de la poblation en ce qui
    concerne soi-même ou est-ce qu’il est véritablement le damné?

    • Fiston Mwanza Mujila

      Je ne suis pas un damné mais je parle à la place des damnés, à la place de tous ces êtres qui n’ont pas droit à la parole. C’est aussi une de fonction de la littérature.

    • NilsHofrichter

      Merci pour toutes les réponses !!! Maintenant je sais exactement ce que vous voulez exprimer avec votre poème. D’après mon opinion le poème contient vraiment des aspects essentiels. J’espère que le poème aidera les gens(la civilisation) à penser aux damnés, aux personnes déracinés pour qu’un jour il y ait un changement.

  • maschabumaye

    À mon avis le poème est bien ecrit et expliqué. Je crois que tout le monde doit “vomir sa colère” et ses problèmes quelque temps.
    Est-ce que vous voulez dire, que parfois on doit oublier notre pays, notre sexe ou notre nom pour nous trouver nous même? Que nous pouvons vomir notre visage pour avoir un autre visage, parce que la civilisation nous impose le visage qu’elle veut?

    • Fiston Mwanza Mujila

      On doit rester soi-même malgré les affres, les égarements de la civilisation. Le narrateur réclame le droit de vomir ou de refuser de manger. Ce qui est important. Vomir les problèmes, mais aussi l’image que le monde nous donne.

  • stonch

    Maintenant après j’ai voimi tout
    rien n’a change
    je suis encore le damné
    celui dont personne n’ai besoin
    parce que c’est seulement moi qui a changé son point de vue sur le monde
    vivre avec la connaissance de l’ignorance de l’autre
    sans bénédiction il n’existe pas de damnation

  • hivanu

    Un poème fascinant, merci!
    J’ai bien aimé l’idée de s’engager pour les personnes qui ont des grandes difficultés.
    Ca peut être un réfugié, un africain, un demandeur d’asile mais aussi un homosexuel, un musulman, un juif, un esclave, un Cubain, un Arménien, un Indien, un Kurde ou même un victim d’un massacre ou justement une personne innocente qui est comdamné et par la société d’aujourd’hui.
    C’est important qu’on présente le poème en voix haute car seulement de cette façon les gens vont commencer d’écouter bien à ce que le démonstrateur transmet.
    Vomir tout ce qu’on a.
    Vomir tout ce qu’on a assemblé dans l’âme.
    Vomir tout ce que fait de la peine au cœur.
    “Vomir le colère”.

    • Fiston Mwanza Mujila

      Je pense que la littérature peut aussi servir à cela : s’engager, dire, parler, crier à la place de ceux qui n’ont pas la possibilité de porter leur voix…

  • Carl

    J’aime ce poème, mais je ne pense pas, que vomir est la solution d’un problème. Si on pense, que la civilisation est syphilitique, il faut qu’on change quelque chose. C’est deja bien, trouver les problèmes, mais il faut aussi les corriger. La vie n’est pas comme un estomac.

    • Fiston Mwanza Mujila

      Vomir est une forme de refuser le MAL. Si le monde sombre ou se dilapide de l’intérieur c’est parce que nous les hommes acceptons toutes les hérésies : les guerres, les discriminations,… La liberté commence lorsqu’on refuse de manger des insanités, lorsqu’on accepte de vomir le mal en nous… La vie est, peut-être un estomac. Vomir, refuser de manger c’est prendre conscience de sa liberté. Qu’est-ce qu’un homme s’il n’a pas le droit de vomir ou de refuser de manger ?

  • superman

    Mes devoirs:

    La cage damné

    Sur mon image que j’ai dessiné, vous pouvez voir le damné pris au piège dans une bouteille. Le damné est en prison parce qu’il a une maladie. Ainsi,le damné n’infectent pas les autres personnes et son amis il est purement volontaire dans la bouteille.

    Ant.K

  • Martina Koesling

    von Helker:

    Aufgeregt?
    > Na, was schon
    > Tanze Tango anders
    > Knirsche nachts bis zur Zahnfraktur
    > Ich weiß es, änder’s nicht
    > Nicht mehr
    >
    > Kein Schaum also vor spröder, rissiger Lippe
    > Ein zahnloses Maul das am Schluss
    > Sabbern, Speichelfäden bis zum Abriss
    > Nichts zu ändern, ich weiß
    > Aber aufregen, erregen?
    > Schon vergessen