[deutsche Übersetzung: weiter unten]

-Je suis une femme libre mais je cherche encore l’homme de ma vie. 

Il pensait déjà aux seins siliconés de la fille qui l’attendait au Tram 83. Après ces longues années de séparation, comment larguer Lucien et disparaître avec la gonzesse dans les méandres de la nuit. Les creuseurs des mines et les étudiants continuaient à se tester. Ils empruntaient le même itinéraire pour nulle part, à l’apothéose des menaces qu’ils proféraient. Requiem sentit comme une présence. Il leva les sourcils : Lucien, en chair et en squelette… Requiem s’avança. Il se rendit compte que son ami avait perdu tout son poids. Qu’une époque passait, qu’une civilisation trépignait… Lucien était tout de noir vêtu, jouant de l’harmonie d’une écharpe rouge et des paperasses plein les aisselles. Un sac en simili cuir, usé jusqu’à la corde, en bandoulière. Les cheveux ébouriffés. Le visage froissé. La moustache intacte. Le regard froid. La voix rouillée. Ils s’étreignirent sans trop d’enthousiasme. 

– Les salauds, ne me dis pas qu’ils t’ont torpillé la cervelle… 

– Et toi, quelles nouvelles ? 

– Et Jacqueline ? 

– Une longue histoire. 

– Comment tu t’en es tiré ? 

– Je t’expliquerai… 

– Les salauds, les salauds, ils… 

– Tu m’amènes ?… 

-Oui, répondit Requiem, froidement, sûrement hanté par la fille habillée comme on s’habille un vendredi soir dans une gare dont la construction métallique est inachevée, où les rebelles dissidents en mal de sexe, les étudiants et les creuseurs empruntent le même itinéraire. 

-Je suis une fille à fleur de peau. 

Deux grosses larmes descendirent sur le visage de l’homme qui avait débarqué avec le train dans cette gare dont la construction métallique… Ils traversèrent en silence le hall et les autres morceaux de la gare, investis par quelques filles mères en laisse, des professeurs bazardant des notes de cours, des intellectuels puant le poisson salé, des artistes cubains qui exécutaient salsa, flamenco et merengue, à l’occasion de rien. 

 

© Fiston Mwzana


„Ich bin eine unabhängige Frau und dennoch auf der Suche nach dem Mann meines Lebens.”

 

In Gedanken war er schon bei den Silikonbrüsten des Mädchens, das ihn im Tram 83 erwartete. Wie konnte er Lucien nach so vielen Jahren bloß loswerden und mit der Kleinen im Labyrinth der Nacht verschwinden? Die Minenarbeiter und die Studenten provozierten einander immer weiter. Sie waren alle unterwegs ins Nirgendwo, zum Höhepunkt der Drohungen, die sie sich gegenseitig an den Kopf warfen. Requiem spürte, dass jemand da war. Er hob den Blick: Lucien, in voller Lebensgröße. Requiem ging auf ihn zu. Er sah, dass sein Freund knochendürr geworden war. Dass eine Epoche zu Ende war, eine Zivilisation von einem Fuß auf den anderen trat… Lucien trug Schwarz, passend zum roten Schal und zu den Papierstapeln unter seinen Armen. Über der Schulter eine abgewetzte Tasche aus Kunstleder. Die Haare zottig. Das Gesicht zerknittert. Der Schnurrbart unversehrt. Der Blick kalt. Die Stimme rostig. Sie umarmten sich ohne große Begeisterung.

 

„Die verdammten Schweine, erzähl mir nicht, dass sie dir die Fresse poliert haben …”

 

„Und bei dir, was gibt’s Neues?”

 

„Und Jaqueline?”

 

„Lange Geschichte.”

 

„Wie bist du da bloß wieder rausgekommen?”

 

„Erklär ich dir später …”

 

„Die Schweine, die Schweine, die …”

 

„Nimmst du mich mit?”

 

„Ja”, antwortete Requiem kühl, in Gedanken wohl bei dem Mädchen, das angezogen war, wie man sich eben anzog an einem Freitagabend in einem Bahnhof, der eine halbfertige Metallkonstruktion ist, in der aufständische Dissidenten ohne Sexleben, Studenten und Minenarbeiter den selben Weg haben.

 

„Ich bin eine sehr sensible Frau.”

 

Zwei dicke Tränen liefen dem Mann die Wangen hinunter, der in diesem Bahnhof ausgestiegen war, der eine halbfertige Metallkonstruktion … Sie durchquerten schweigend die Halle und das Bahnhofsgelände, das von ein paar angeleinten Mutter-Mädchen belagert wurde, von Lehrern, die Zeugnisnoten verscherbelten, von Intellektuellen, die nach Salzfisch stanken, und von kubanischen Straßenkünstlern, die ohne Anlass Salsa, Flamenco und Merengue zum Besten gaben.

 


© Deutsche Übersetzung: Katharina Meyer; Lektorat: Gernot Krämer

 

5 Kommentare

  • Marie

    La rencontre entre Requiem et Lucien me plait beaucoup, car quand Requiem voit son viel ami, il sort de manière soudaine de ses pensées et se rend compte du monde qui l’entoure. Jusqu’à présent, il était perdu dans son univers, pensant à la prostituée, à son corps, au moment où il allait la rencontrer, mais quand il voit Lucien, il se rend compte immédiatement d’à quel point il à changé et il à l’air affaibli. Il y a une très nette coupure entre le moment où Requiem était seul et celui où Lucien arrive, cela nous permet de bien entrer dans la tête du protagoniste, de suivre ses pensées et en quelque sorte de comprendre son mental. On a vraiment lìmpression de faire partie de l’histoire, si ce n’est d’être dans la tête de Requiem.

    • Fiston Mwanza Mujila

      Oui… On s’identifie facilement aux personnages. L’auteur ou l’écrivain doit aussi parfois s’identifier à eux pour leur donner vie.

  • Marie

    Par la suite, lorsqu’ils comencent à se parler, on sent bien une distence entre ces deux personnages, qui étaient, à l’époque, amis. Leur relation est froide, et en même temps ils ont une certaine envie de savoir ce qu’il s’est passé pour l’autre. “Deux grosses larmes descendirent sur le visage de l’homme qui avait débarqué…” cette phrase illustre parfaitement ce qui me plait tout particulièrement dans ce texte. Il a la particularité d’intriguer et de captiver le lecteur, en nous racontant des actions ou des faits qui se passent, sans pour autant nous donner d’explications. Cela permet que chaque lecteur s’imagine l’histoire un peu différement et puisse également s’y identifier.

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